« Comme je vous l'ai annoncé dans le programme de la journée, Sophie Castonguay ne pourra pas être là aujourd'hui. Je pense qu'elle aurait bien aimé être ici aujourd'hui et que suite à cette rencontre à Montréal en février dernier, elle regrette un peu de ne pas être avec nous. Ceci étant dit, je crois qu'elle aurait aimé vous donner quelques détails sur la raison de son absence. Alors, comme elle me le mentionnait dans un courriel hier, Sophie a pris l'avion il y a trois jours en provenance de Montréal et croyez-le ou non, elle s'est retrouvée assise à côté d'une femme atteinte d'akinétopsie. Savez-vous ce qu'est l'akinétopsie ? Je peux peut-être l'expliquer en deux mots pour ceux qui ne le savent pas. Il s'agit d'une maladie très rare que l'on appelle aussi agnosie visuelle du mouvement. Les personnes atteintes de cet étrange syndrome sont incapables de percevoir le mouvement. Ils sont atteint d'une cécité du mouvement qui se manifeste par des « arrêt sur images » de plusieurs secondes tout au long desquels elles ne perçoivent qu'une image immobile en perdant toute conscience visuelle des mouvements dans leur environnement. Curieuse de nature, Sophie a posé un tas de questions à cette femme sur son rapport au réel et sur sa façon de négocier avec l'environnement. La femme en question du nom de Suzanne Cliche à expliqué à Sophie comment il était difficile pour elle de traverser la rue puisqu'elle percevait chaque voiture comme si elle était « arrêtée ». Se verser un verre d'eau pouvait être tout aussi problématique puisqu'elle voyait l'eau qui coule comme gelée et qu'elle comprenait qu'elle en avait trop versé quand elle découvrait soudain l'eau répandue sur la table. En écoutant le récit de Suzanne Cliche, Sophie est devenue profondément émue. Elle s'est mise à pleurer. Mme Cliche ne savait pas trop comment réagir. Sans rentrer plus à fond dans les détails Sophie m'a écrit pour me dire que Suzanne Cliche l'avait invité à séjourner chez elle pour quelques temps.
Voilà
Ceci étant dit, j'ai pensé que puisque nous avons un peu de temps devant nous, nous pourrions discuter ensemble de certains problèmes auxquels nous devons faire face aujourd'hui en tant qu'artiste. Je ne sais pas ce que vous en pensez mais je crois qu'il est grand temps de s'arrêter pour nous questionner collectivement sur le rôle qui est le nôtre. Moi, en tant qu'enseignante, je me demande par exemple s'il est possible de créer un espace d'hésitation. Est-il possible de faire bégayer la langue ? Et de faire bégayer la pratique ? Est-il possible de procéder autrement que par des stratégies productives ? Le bégaiement est-il toujours un défaut d'élocution ? Je ne sais pas. Je pense à voix haute là…
Je me sens un peu mal de vous lancer ces questions comme ça mais je ne sais pas… Sophie m'a dit que je pouvais parler de ce que je veux, de ce qui me préoccupe alors voilà, je me dis qu'on pourrait prendre quelques minutes pour ça, pour discuter de ces questions. On pourrait commencer par tenter de définir ensemble ce que signifie le mot « bégayer ». Quelqu'un à une piste de réflexion à proposer ? »
Voici ce que
Julie C. Fortier, professeure à l'École des beaux-arts d'Angers, à acceptée de réciter par le biais d'écouteurs, à ma demande, en mon absence.